Le Yoga est-il une religion ?
Le Yoga est devenu très populaire à travers le monde et ses bénéfices pour le corps et l’esprit humain sont communément reconnus. Néanmoins, certaines personnes ont tendance à associer le Yoga à une religion, parfois la religion hindoue. A juste titre ?
Il est vrai que le Yoga trouve son origine en Inde, mais en même temps, il est également vrai que le Yoga n’a jamais enseigné aucun dogme religieux. A l’adepte d’une religion – qu’il soit hindou, chrétien, musulman ou autre – il permet, diront les indiens, d’être une meilleure personne religieuse selon sa propre foi.
Dans cet article, nous tenterons de circoncire très succinctement les éléments essentiels de toute religion. Ensuite, nous explorerons le concept de dharma, concept indien souvent assimilé à celui de religion sur le sous-continent indien. Nous tenterons alors d’offrir une première réponse à la question ‘le yoga est-il une religion?’. Nous terminerons par donner des éléments de réponses à différentes objections généralement répandues considérant le yoga comme une religion.
Qu’est-ce que la religion ?
Le mot religion est un mot compliqué et souvent mal compris ou interprété. Un dicton dit : ‘Je savais ce qu’était le religion jusqu’au moment où l’on m’a demandé d’en donner une définition. Au moment de cette interrogation, la religion devint à mes yeux la chose la plus complexe qu’il soit…’. En d’autres endroits, il est écrit ‘La religion est la fille de l’espoir et de la peur, expliquée à l’ignorant au sujet de chose dont on ne peut avoir connaissance’ (Ambrose Pierce du livre ‘Oxford Dictionary of World Religion).
Très souvent les personnes qui assimilent le Yoga à une religion ignorent souvent ce qu’est la religion. Tentons ensemble de percer le mystère de ce qu’est la religion.
Toute religion du monde possède 3 composantes essentielles :
- L’idéal
- La théologie
- Le culte
Toute religion propose un idéal à atteindre. Celui-ci est souvent l’union avec Dieu, comme le suggère l’analyse étymologique du mot re-ligare (re-lier). Notons que le concept de Dieu peut différer en fonction des croyances et convictions de chacun.
Vient ensuite le culte. Celui-ci inclut toutes les pratiques permettant cette union avec Dieu. Toute personne qui se revendique comme appartenant à une religion pratique généralement un ensemble de rituels, de prières,… proposées par la religion à laquelle il adhère. A ce sujet, mettons en lumière que le culte revêt deux aspects :
- L’aspect superficiel
- L’aspect essentiel
Dans le culte d’une religion, les prétendues autorités religieuses vont généralement mettre en avant l’importance des aspects superficiels du culte n’ayant probablement que peu de prise sur les aspects plus essentiels. Il me paraît intéressant de noter que la différences qui pourra exister entre deux religions sera davantage concernée par les aspects superficiels que par l’aspect essentiel. De fait, pour quelqu’un qui étudie profondément les différentes religions du monde, il est plus facile d’y trouver des similitudes que des différences. Malheureusement, ce sont les aspects superficiels qui sont généralement sur la table pointant les différences alors qu’au-delà des différences, les points de connivences sont légions.
Toutes les religions souffrent de ce problème inhérent à ces deux aspects. D’autant plus que l’aspect le plus essentiel est intrinsèquement non-tangible et ce sont souvent sur les aspects tangibles – et donc plus superficiels – que se basent les échanges et autres débats.
Dharma : Le concept de religion selon la tradition indienne
En Inde, le mot Dharma est utilisé à la place de religion. Initialement, le mot se référait davantage aux règles religieuses et aux rituels prescrits, mais avec l’avènement des Upanishads (textes de la tradition védiques), le concept a évolué.
Ainsi, dans les Upanishads, le Dharma englobe les moyens mis en place pour atteindre le Brahman (la réalité ultime). Le Dharma répond à la question de savoir comment mener notre vie pour atteindre l’éveil et se libérer de la souffrance.
Une autre référence, le DharmaShastra, a englobé dans cette notion de Dharma tout un ensemble de prescrits éthiques ainsi que différentes règles de conduites. Dans ce texte, Manu, le premier à avoir énoncé des règles en Inde, énumère les 10 caractéristiques du Dharma. Elle sont :
- Dhriti – la patience
- Dama – le contrôle du mental
- Saucha – la propreté (du corps)
- Dhi – la sagesse
- Satya – la vérité
- Kshama – le pardon
- Asteya – la non-convoitise
- Indriyanigraha – le contrôle des sens
- Vidya– la connaissance
- Akrodha – l’absence de colère
Il est intéressant de constater que la foi en Dieu est tout à fait absente de la liste de Manu.
Déterminer quand est apparue la notion de foi dans la tradition indienne est une tâche probablement difficile. Selon différentes sources, il est vraisemblable qu’à la suite de l’invasion des Musulmans (au début du 8e siècle apr. J. -C.) et, plus tard, des Anglais en Inde, les indiens aient été en contact avec des gens d’autres croyances les amenant à associer le dharma avec la foi en Dieu.
De nos jours, mais pas que, l’intolérance entre religions est la source de nombreux problèmes. Pourtant, aucun prophète n’a jamais prêché la compassion et l’ouverture à destination seulement des personnes partageant la même religion. C’est l’ignorance de l’universalité de ces règles – présentes dans toutes les religions – qui crée chez l’Homme les divisions de caste, la jalousie et les apparentes différences entre religions.
Le Yoga est-il une religion ?
Le Yoga est l’une des branche de la philosophie indienne et en tant que tel, il traite de la loi du Karma, de la naissance et de la mort, du concept de libération, etc. Ces concepts peuvent apparaître pour certains très asiatiques ou indiens, mais les références yoguiques que sont par exemple les Sutras de Patanjali ou les différents écrits de la tradition Hathayogique sont toutes « transreligieuses ».
Tout être humain possède un corps qu’il souhaite en bonne santé le plus longtemps possible. Tout un chacun possède un mental pour penser, planifier, organiser, etc… Souvent instable, il est difficile à contrôler alors que l’on souhaiterait utiliser son énergie pour d’autres ambitions. Chaque être humain respire sans bien souvent avoir la conscience de l’importance de cet exercice en apparence anodin.
Le Yoga est là pour tous afin de nous permettre de gagner en contrôle sur ce corps, ce mental et sur la respiration. Le Yoga est un ensemble de techniques centrées sur ces trois composantes fondamentale de l’être humain. En ce sens, le Yoga peut être considéré comme la religion du corps, de l’esprit et de l’existence de chacun d’entre nous.
Les possibles éléments religieux dans le Yoga traditionnel :
Voyons maintenant les quelques éléments qui peuvent amener l’esprit rationnel à assimiler le yoga à une pratique religieuse :
- Toute pratique commence généralement par une prière. En effet, en Inde, un mantra commence généralement chaque séance afin de favoriser l’émergence d’un environnement propice à la pratique.
- Dans l’enseignement, la référence à des textes sanskrits est souvent faite. L’association de la langue sanskrite crée une assimilation à la religion hindoue.
- Dans certains textes, il est recommandé de réciter des mantras durant certaines pratiques telles que les Pranayama, mudras ou dharanas.
- Certains concepts du yoga (Chakras, Vayu, Nadi, Kundalini,…) sont considérés comme associés à la religion hindoue.
- La récitation OM, souvent présente en début de cours, est assimilée à la religion hindoue.
Tentons de trouver une solution à chacune de ces objections.
Tentatives de solutions à ces objections :
- Il est vrai que chaque pratique de Yoga commence avec une prière (de par son origine indienne). Mettons en évidence que l’enseignant de Yoga attache généralement davantage d’importance à la démarche introspective de la prière plutôt qu’au mantra védique en tant que tel. La prière est là pour créer un environnement propice à la pratique. Il s’agit de préparer le mental, de tourner notre attention sur notre objet d’étude dans l’instant, à savoir le corps, la respiration et le mental.
- Le sanskrit est la langue véhiculaire de la tradition indienne et des textes de yoga, ce qui justifie son utilisation fréquente parmi les enseignants du Yoga. A ce sujet, l’utilisation d’autres langues est tout à fait appropriée et recommandée afin de faire en sorte que le message du yoga soit accueilli le plus simplement possible par les élèves. C’est par ailleurs ce qui se fait couramment.
- Il est juste que la récitation de mantra ou de sons particuliers est recommandée durant certaines pratiques. Ces pratiques peuvent, il me semble, être laissées de côté pour les personnes qui ne se sentiraient pas confortables avec ce genre d’approche. A titre d’exemple, le texte de la Gheranda Samhita énonce clairement que deux types de pranayama peuvent coexister : Sagharba et Agarbha Pranayama, signifiant avec ou sans récitation de mantra.
- Les concepts de chakra, Nadi, Vayu etc. ne sont pas des concepts religieux. Ils sont davantage ésotériques. Ils sont le langage utilisé par le yogi à l’époque où le lexique anatomique et physiologique n’était pas encore existant. Les personnes pratiquant le yoga constateront de par eux-mêmes via l’expérience et le ressenti l’existence de ces phénomènes. Il est ainsi recommandé au débutant en yoga de ne pas trop s’attacher à ces concepts et de les laisser naturellement éclore dans la pratique au fur et à mesure que son expérience grandit.
- Indéniablement le son ‘AUM‘ est associé à la religion hindoue. Il a d’ailleurs son équivalent chez les chrétiens, Amen, ainsi que dans l’Islam, Amin. Les similitudes entre ces sons sont notoires et suggèrent que ces mots sont véritablement trans-religieux. Dans la Bible, Saint-Jean dit « Au tout début était le mot (ou la parole). Le mot était avec Dieu et Dieu était le mot ». Le son premier n’est d’autre que le son AUM. Dès lors que l’on analyse les 3 qualificatifs suivants – omnipotent, omniprésent, omniscient – il apparaît clairement que le mot ‘omni’ a une origine commune qui n’est pas loin du concept de AUM.
Au-delà de ces objections, d’autres théories généralement associées au yoga (la réincarnation, la loi du karma, p.e) peuvent également perturber l’esprit rationnel. Afin de solutionner ce problème, divisons la science yoguique en deux aspects : l’aspect philosophique et l’aspect pratique. Dès lors, à ceux qui seraient dérangés par la démarche philosophique du yoga, il est recommandé de se limiter à son aspect pratique, les assurant des bienfaits qui sont généralement assimilés à la pratique du Yoga et laissant complètement de côté les aspects qui pourraient sembler religieux.
Conclusion :
Cet article a prouvé que les charges contre le yoga – l’assimilant à une pratique religieuse – peuvent être soit démenties par un raisonnement logique, soit tout simplement ignorées pour se concentrer sur l’aspect pratique du Yoga.
En guise de conclusion, on peut dire que le Yoga est une invitation à ouvrir notre esprit. Acceptons le Yoga comme l’une des pratiques psychosomatiques les plus efficaces pour prendre soin de l’être humain à travers un ensemble de pratiques non-religieuses pour autant qu’elles soient suivies et pratiquées religieusement.